L’Estonie reçoit 2,5 M€ de l’Union européenne pour créer un centre cyber maritime

Le centre d’investigation numérique et de cybersécurité de l’Université de technologie de Tallinn (TalTech) et l’École maritime estonienne ont obtenu un financement de l’Union européenne de presque 2,5 M€ pour la création d’un centre de cybersécurité maritime.

Dan Heering, l’un des chefs de projets à l’École maritime estonienne précise que “l’industrie maritime n’a jamais pris les questions de cybersécurité au sérieux, et il y a encore beaucoup de travail à réaliser dans ce domaine. Comme il y a peu d’information publiquement disponibles sur les cyberattaques ayant réussi et les incidents concernant les navires, les armateurs ne prennent pas les menaces au sérieux.”

On rappellera qu’une liste publique d’évènements existe. Elle est bien sûr incomplète, par définition. Et elle est ici.

Il ajoute que, lors de son stage de master 2, il avait surpris de constater que la plupart des armateurs étaient indifférents à ce problème : “C’est lié à un manque de réglementation qui obligerait les armateurs à prendre en compte et réduire les risques cyber et entraîner leurs équipages. Cependant, dès janvier l’année prochaine, les armateurs devront prendre en compte ces risques cyber dans leur documentation de gestion des risques”.

L’Université ajoute sur son site Internet que ce manque d’intérêt actuel par les armateurs peut également s’expliquer par un manque de sensibilisation à la menace et aux dommages potentiels qu’une cyberattaque réussie pourrait entraîner. Les armateurs considèrent également la gestion des risques cyber comme une dépense plus qu’un investissement. Cependant, d’après Dan Heering, plusieurs incidents ont été rendus publics lors des dix dernières années. En 2019, un navire en route pour New York a ainsi dû prendre contact avec les gardes-côtes américains suite à une infection virale à bord. Cette infection avait atteint les systèmes du navire de manière significative, réduisant sa capacité à manœuvrer en toute sécurité. En 2017, l’expert en cyber-criminologie Campbell Murray, démontrait qu’il était possible de prendre contrôle sur un navire utilisant des technologies modernes à l’aide d’un ordinateur portable. 30 minutes ont été suffisantes au professionnel pour s’introduire sur le réseau Wi-Fi du navire et accéder à des courriers électronique, les effacer et même les éditer. Campbell Murray a même réussi à obtenir un accès aux données financières du propriétaire du navire, mais aussi aux caméras de sécurité, au lien satellite et aux systèmes de navigation. Techniquement, il lui était ainsi possible de faire appareiller le navire.

D’après Olaf Maennel, professeur en cybersécurité au centre d’investigation numérique et de cybersécurité, les responsables des armateurs ne sont toujours pas conscients des nuages qui s’amoncellent autour de leur activité. Les navires dépendent de plus en plus de la technologie et d’Internet, avec les cartes électroniques et les manifestes mis à jour de manière électronique, et l’utilisation de plus en plus large des communications par satellite. “Cela signifie que les ordinateurs du navire sont vulnérables et que les dommages potentiels pour les grandes compagnies pourrait se chiffrer en centaines de millions d’euros”, précise-t-il.

Il estime également que le nombre de machines autonomes connectées les unes aux autres va augmenter de manière très significative dans un futur proche. Il est donc nécessaire d’établir les protocoles de communication résistants aux cyberattaques et d’augmenter le niveau de sensibilisation et de préparation des équipages aux incidents cyber. Le futur centre de cybersécurité maritime a ainsi pour objectif de développer des programmes de formation doctorale et de niveau master, d’organiser des conférences et des évènements. Ainsi, les étudiants se préparant à une carrière embarquée au sein de l’École maritime estonienne recevront, pour la première fois l’année prochaine, une formation dédiée à la cybersécurité et à la gestion des risques.

Pour la petite histoire, à l’automne 2019, les deux organismes ont soumis une demande de financement auprès de l’Union européenne dans le cadre du programme H2020 “ERA Chairs”. L’objectif de ce programme est d’aider les universités et les autres organismes de recherche des régions de “convergence” et de la “périphérie” de l’Union européenne à améliorer leur compétitivité pour l’obtention de financements dans la recherche.

On se rappelle que l’Estonie a été victime d’une vague importante de cyberattaques en 2007 et a, par la suite, beaucoup investi sur le sujet. Conséquences directes : la rédaction du fameux “Manuel de Tallinn“, véritable guide sur l’application de la loi internationale dans le cyberespace, et implantation en Estonie du centre d’excellence de l’OTAN sur les questions de cyberdéfense, le (réputé) CCDCOE (Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence).

L’agence spatiale européenne finance la recherche sur les risques liés aux systèmes de positionnement par satellite.

Nous avons déjà parlé à plusieurs reprises : les risques liés aux systèmes de positionnement et de suivi des navires par satellites sont nombreux. C’est dans ce cadre que l’Agence spatiale européenne (European Space Agency, ESA) a annoncé récemment financer une étude de faisabilité sur le développement d’une solution pour la sécurisation de ces systèmes.

L’ESA a passé un contrat avec la société suisse CYSEC SA pour identifier les solutions qui permettraient de sécuriser les services de suivi et de positionnement par satellite pour le monde maritime. Les risques, qui passent essentiellement par le leurrage et le brouillage de systèmes de positionnement par satellite (GNSS), comme nous l’avions vu ici. C’est parfois moins connu, mais les données AIS (Automatic Identification System) peuvent également transiter par satellite. On parle alors de S-AIS ou SAT-AIS. Il suffit de regarder, par exemple sur Marine Traffic, le nombre de positions AIS reçues par satellite pour en être convaincu.

Les données issues de l’AIS et les signaux GNSS reçus par satellite sont indispensables pour permettre aux navires d’aujourd’hui et de demain de naviguer en toute sécurité, notamment dans les détroits et les zones dangereuses. Elles le sont également pour les armateurs, les assureurs et les autorités à terre qui les exploitent à des fins de suivi d’activité et de détection d’anomalie et de secours en mer. Pour autant, le nombre d’incidents de brouillage et de leurrage GNSS augmente fortement au cours des années, ce constat ayant récemment poussé les Etats-Unis à le porter à l’attention de l’Organisation Maritime Internationale (OMI).

L’objectif de l’étude est donc de travailler à la fois sur la sécurité GNSS et celle du lien S-AIS. Je referai un article sur le sujet si les compte-rendus de l’étude sont publics. Nul doute qu’on y verra (espérons !) de la cryptographie sous toutes ses formes, de la mesure de qualité des capteurs et de la détection d’anomalies !

Cybercriminalité maritime, de la mer à l’Internet, focus sur la nouvelle piraterie

Je vous invite à lire l’article “Cybercriminalité maritime, de la mer à l’Internet, focus sur la nouvelle piraterie”, paru sur le site BLL Consulting. Dans cette article, l’auteur dresse un portrait complet de la cybercriminalité dans le monde maritime sous ses différents aspects, en dressant un parallèle avec les “pirates” qu’a pu connaître ou connaît encore le secteur maritime.

“Le Cyber, domaine particulier de la pensée navale”, par N. Mazzucchi

Le Centre d’études supérieures de la Marine nationale (CESM) propose dans sa revue “Études marines – Stratégie” n°17 (page 82) un article de Nicolas Mazzucchi, docteur et chargé de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) intitulé “Le cyber, domaine particulier de la pensée navale”.

Dans cet article, l’auteur rappelle que, si la prise en compte du sujet par la communauté maritime a été relativement tardive, la question de la cybersécurité des navires et des ports est de plus en plus fréquemment traitée lors de différentes conférences, soulignant l’importance de ce sujet stratégique face à la numérisation progressive du secteur, que l’on parle de navires civils ou militaires.

Au niveau militaire, cette question est, d’après l’auteur, renforcée par le besoin important de capacités de combat en réseau. Il est vrai que, même si on en parlait déjà dans les années 90 (C3, C4), l’augmentation des débits satellite et de la connectivité a permis de répondre à un véritable enjeu de communication, que ce soit au sein d’un groupe constitué (comme le groupe aéronaval) que vers les flottes alliées ou les état-majors à terre, offrant de nouvelles capacités militaires… tout en ajoutant de nouvelles menaces.

On associe donc le cyber, au sens large, à un nouveau domaine de lutte transverse qui irrigue le milieu maritime et ses autres milieux (physiques, quant à eux : sous la mer, sur la mer, au-dessus de la mer, espace), mais aussi à un semble de technologies permettant une mutation assez inédite du secteur, y compris vers le futur et l’arrivée des navires autonomes.

L’auteur aborde ensuite sur le navire sous l’angle d’un “système d’information complexe multi-capteurs, sorte d’usine connectée sur mer”, où se rejoignent systèmes de communication, systèmes de combat, capteurs et actionneurs, la composante numérique apportant également de nouveaux aspects intéressants, comme la maintenance prédictive, facilitée par l’augmentation du nombre de données disponibles, y compris sur des installations cyber-physiques.

Une projection dans le futur est ensuite réalisée, avec l’arrivée des nouveaux capteurs et actionneurs déportés, apportés par les nouvelles générations de véhicules autonomes de surface, sous-marins, ou aériens, qui seront un atout capacitaire indéniable dans la projection de force et le renseignement.

Enfin, l’auteur insiste sur les risques liés à la multiplication de nouveaux protocoles et systèmes, qui peuvent venir contrecarrer ces nouvelles capacités, à l’obsolescence “programmée” et au maintien en conditions de sécurité complexes et sur la possibilité d’une fusion des domaines cyber et guerre électronique au niveau tactique naval.

Lancement d’un produit d’assurance spécifique aux risques cyber maritimes

Dans un communiqué de presse, l’assureur Willis Towers Watson annonce le lancement d’un nouveau produit d’assurance spécifiquement dédiés aux risques de cybersécurité dans le monde maritime. L’objectif de ce produit est de répondre à l’imparfaite couverture du risque cyber dans la plupart des contrats d’assurance, et de faire face à la multiplication des évènements cyber dans le monde maritime.

L’assurance semble couvre plusieurs cas, notamment : gestion de crise en cas de rançongiciels, vol de données, incidents relatifs à des tiers, perte de connectivité suite à des attaques sur le lien satellite, cas liés RGPD et NIS.

Une petite vidéo proposée par l’assureur (je n’ai pas d’actions) :