Cela m’a toujours étonné, mais finalement assez peu de personnes connaissent bien le domaine des câbles sous-marins. Je ne parle pas seulement en termes de technologie, mais il est assez surprenant de constater que certains ignorent même jusqu’à leur existence. Il faut dire que, tapis, dans les profondeurs des océans, il est tentant de les oublier. Pourtant, ils permettent au quotidien le transit de 98% des communications téléphoniques et des transferts de données intercontinentaux. Sans eux, notre quotidien et notre économie seraient profondément bouleversés.
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(Rapide) historique
Je n’aborderai pas le cas des câbles sous-marins servant principalement au transport de l’énergie électrique pour se concentrer sur ceux dédiés aux télécommunications. Le câble n’est pas une invention récente, puisque les premiers essais de transmissions télégraphique via câble sous-marin datent du milieu du XIXè siècle, avant une première exploitation commerciale de transmission d’ordre boursiers (déjà) entre la France et l’Angleterre. Le câble est cependant un équipement fragile à l’époque : sensible aux tremblements de terre, à de fortes pressions, au marées, et aux fonds parfois rugueux, ils n’ont qu’une espérance de vie limitée.
Il faut attendre la fin du XIXè siècle, et notamment la création de la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques, pour que le premier câble longue distance (surnommé le « Direct » !) permette les communications sans relai entre la France (la station de Brest Déolen) et les États-Unis. Le développement des câbles se poursuit alors rapidement, début XXè, avec le déploiement de câbles entre l’Europe et l’Afrique, mais aussi à travers l’océan Pacifique. Les câbles, sur lesquels on exploite surtout la télégraphie, passent progressivement à l’utilisation de codes plus performants et adaptés, comme le code Baudot.
L’amélioration des technologies, comme l’emploi du câble coaxial et des répéteurs permettent alors d’envisager des télécommunications sur des distances beaucoup plus importantes, ainsi que l’acheminement des communications téléphoniques. Dans les années 1990, la fibre optique devient la technologie de référence : offrant des possibilités de multiplexage très avantageuses, elle décuple le nombre de circuits téléphoniques disponibles sur les câbles. Le cap symbolique du Gbit/s est franchi.
Le câble Sea-Me-We 3 (South-East Asia – Middle East – Western Europe) est mis en service le 23 août 1999. Câble à technologie optique, il relie l’Europe à l’océan Indien, le Japon et l’Australie. Long de 40 000 km, il reste aujourd’hui le plus long câble sous-marin en service, tout en restant compétitif (130 Gbit/s par paire de fibres optiques).
Mais qu’est-ce qu’un câble ?
Un câble sous-marin moderne est avant tout un support physique (vous vous rappelez, la fameuse couche 1 du modèle OSI). En l’occurrence, il permet de transmettre de la lumière (pour être plus précis, des longueurs d’ondes, donc des couleurs, différentes) à grande distance. On utilise des techniques de multiplexage en longueur d’onde (WDM, Wavelength Division Multiplexing) ou plus récemment SDM pour améliorer ses capacités en termes de débit.
Mais s’intéresser aux câble seuls n’est pas suffisant : il faut voir le système dans son ensemble, à savoir :
- le concepteur du câble physique (en France, on peut citer Nexans)
- les propriétaires des câbles (en France, Orange Marine)
- les câbleurs (en France, Alcatel Submarine Networks, Orange Marine)
- les navires câbliers , très reconnaissables (pour Orange Marine, citons le Pierre de Fermat, le René Descartes, le Léon Thévenin, le Raymond Croze) et pour Alcatel Submarine Networks : l’Île d’Aix, l’Île de Batz, l’Île de Sein, l’Île de Bréhat)
- les sites d’atterrissage : en France, citons Lille (France-UK5), Dieppe (France-UK3), Cayeux (Circe South), Saint-Valéry-en-Caux (TAT 14, Cross Channel), Surville (Ingrid), Plérin (Flag Atlantic 1), Lannion (Apollo, HUGO), Penmarch (ACE, Sea-Me-We3), St Hilaire de Riez (Dunant), Le Porge (AMITIE, projet), Marseille (2Africa, AAE-A, Ariane 2, Atlas Offshore, Hawk, IMEWE, Med Cable Network, PEACE Cable, SeaMeWe-4, TE North/TGN-Eurasia/SEACOM/Alexandro/Medex), La Seyne (CC5), Toulon (Sea-Me-We5), Cannes (CC4), Île Rousse (CC4), Ajaccio (CC5), Saint Pierre et Miquelon (St Pierre and Miquelon cable), Sainte-Marie (La Réunion, Lower Indian Ocean Network), Saint-Paul (La Réunion, SAFE), Le Port (La Réunion, Meltingpot Indianoceanic Submarine System), Cayenne (Guyane Française, Americas II), Kourou (Kanawa, Ellalink), la Polynésie Française (Honotua, Natitua, Manatua), Nouvelle-Calédonie (Picot-1 et 2, Gondwana 1 et 2)
- les stations de contrôle et de surveillance, qui sont chargées du suivi du bon fonctionnement des câbles, des liens SDN, du routage.
Les câbles : un enjeu politique et stratégique
Les océans comprenaient 448 câbles sous-marins en 2019, pour un coût par câble d’environ 700 M€ par câble. Représentant 50% des investissements des GAFAM, la « course au câble » est loin d’être une gageure : qui possède les câbles « possède », quelque part, les données qui y transitent et dispose d’un pouvoir géopolitique certain. En effet, les coupures de câbles peuvent avoir des effets considérables sur les pays qui sont impactés (cela a été le cas pour l’Algérie, la Somalie notamment).
Parmi les autres risques liés aux câbles, il faut bien entendu évoquer les risques d’interception (certains stations d’atterrissage sont « connues » pour disposer de dispositifs de recopie dont on imagine bien la destination, certains pays disposeraient de sous-marins capables d’actions physiques sur les câbles), les risques de destruction physique (couper un câble dont on connait la position est, finalement, relativement simple). Enfin, les stations d’atterrissage sont des bâtiments très importants à protéger.
Quelques références sur le sujet :