Lost at Sea: Confronting GPS Jamming and Spoofing in Maritime Operations

Résumé
Animé par Jakob Larsen, BIMCO a réalisé un webinaire le 3 septembre 2025 avec deux officiers du MARCOM de l’OTAN, Éric (Marine nationale française) et Kadir (Marine turque), sur les menaces de brouillage et de leurrage GPS dans les opérations maritimes.

Éric a mis en avant plusieurs incidents récents : l’avion d’Ursula von der Leyen perturbé par du brouillage en Bulgarie, le navire marchand Green Admire victime de leurrage GPS à proximité de la Russie, ainsi que la zone habituelle de leurrage GPS en Méditerranée orientale liée à des activités militaires. Il a souligné que les perturbations GNSS constituent désormais un outil délibéré de la guerre hybride, et non un accident.

Les zones sensibles actuelles incluent la mer Baltique, la mer Noire, la Méditerranée orientale et la mer Rouge. Kadir a insisté sur l’importance du site du NATO Shipping Centre et des canaux de signalement d’interférences cyber pour un partage rapide des incidents.

Éric a expliqué la différence entre le brouillage (blocage du signal) et le leurrage (injection de faux signaux) et leurs conséquences : perturbations de navigation, erreurs de synchronisation affectant les systèmes des navires, risques pour la sécurité, ainsi que des impacts militaires et logistiques. Le leurrage est particulièrement insidieux car les équipages ne détectent pas toujours les positions falsifiées. Kadir a ainsi cité l’échouement du MSC Antonia en mer Rouge comme un cas concret de leurrage ayant provoqué un accident réel.

Ils ont noté la publication récente d’avis aux navigateurs (NAVWARN) en Mer Baltique concernant des interférences GNSS, AIS et RADAR sur des zones étendues, appelant les équipages à se préparer à l’utilisation de systèmes de navigation dégradés. Les motivations du brouillage GPS incluent sont essentiellement politico-militaires, à des fins de protection des forces et les stratégies d’Anti-Access/Area Denial (A2/AD), mais aussi d’influence. L’attribution reste difficile.

Les mesures d’atténuation évoquées comprenaient : l’utilisation de l’eLORAN et de systèmes terrestres, d’antennes directionnelles comme les antennes CPRA que nous avons déjà évoqué ici et filtres de signal, la redondance par RADAR et navigation inertielle, la vérification par cartes et relèvements visuels, la formation des équipages, les sources locales de temps et l’usage d’autres constellations (Galileo, BeiDou, GLONASS). Aucun GNSS n’est toutefois totalement sûr face au brouillage militaire. Les solutions futures pourraient inclure les signaux Galileo chiffrés et même des systèmes de positionnement stellaire assistés par IA.

Lors des questions-réponses, les intervenants ont précisé que le GPS différentiel ne peut pas contrer le leurrage, que GLONASS semble mieux résister au brouillages en raison de la diversité de ses fréquences, mais n’est pas invulnérable, et que les récepteurs multifréquences exigent en général une commutation manuelle. La formation demeure essentielle, avec les directives de l’OMI, les exigences des États de pavillon et les méthodes de navigation de secours.

La session s’est conclue par trois points clés :

  1. Le brouillage et le leurrage sont réels et en augmentation.

  2. Les risques dépassent la simple navigation et touchent à la sécurité et à la sûreté.

  3. La résilience repose sur la technologie, les procédures et la coopération internationale.

La vidéo est disponible sur le site de BIMCO : https://www.bimco.org/news-insights/video/2025/09/03-gps/

Transcription

Jakob Larsen : Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue à ce webinaire de BIMCO consacré au brouillage et au leurrage de la flotte marchande. Aujourd’hui, nous avons avec nous deux experts renommés du Commandement maritime de l’OTAN qui vont nous informer sur la menace actuelle, présenter certains incidents observés, et expliquer ce que l’industrie du transport maritime peut faire pour se protéger au mieux contre ce risque. Du Commandement maritime de l’OTAN, nous accueillons Kadir et Éric. Ils vont maintenant nous présenter leur exposé, suivi d’une séance de questions-réponses. (…)

Eric : Merci beaucoup, Jakob. Bonjour Mesdames et Messieurs. Je suis le Capitaine de corvette Éric de la Marine nationale française, et avec mon collègue le Capitaine de corvette Kadir, Marine turque, nous allons aujourd’hui vous présenter notre exposé intitulé : « Perdu en mer : faire face au brouillage et au leurrage GPS dans les opérations maritimes ». Passons maintenant directement à la présentation.

Il y a deux jours, la plupart d’entre vous ont probablement entendu parler d’un incident survenu en Bulgarie. En fait, l’avion d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a été impacté par une action de brouillage GPS, ce qui a obligé son avion à rester bloqué dans un aéroport bulgare. De plus, le 25 mai, vous avez sûrement entendu parler du Green Admire, un navire marchand qui a été saisi par les forces russes près de la frontière russe. Si vous regardez l’image en bas à droite, quelque chose de très particulier s’est produit avec ce navire, notamment sur ses traces AIS. Dès qu’il a été envoyé vers une île russe, il est apparu que le navire présentait un comportement très étrange, effectuant des mouvements circulaires que nous appelons dans le domaine du brouillage et du leurrage GPS, des crop circles déjà observés en Chine ou ailleurs dans le monde. Cette action est clairement le résultat d’un leurrage GPS, en modifiant artificiellement la position du navire, ce qui a une conséquence directe sur le rapport AIS. Pour terminer cette introduction, en décembre 2024, l’action de brouillage GPS a été très importante au tout début du mois en Méditerranée orientale. Mais dès que le régime syrien et les forces russes ont quitté la côte syrienne, notamment à Tartous, nous avons observé 15 jours plus tard presque plus d’actions de brouillage GPS. Je tiens à souligner que le brouillage GPS n’est plus seulement une erreur ou un test de script kiddie. Il s’agit aujourd’hui d’un mode d’action clair utilisé par les nations, les armées et les gouvernements pour avoir un effet dans le domaine de la guerre hybride.

Quelle est donc la situation actuelle ? Cette vidéo rapide de la semaine dernière montre les zones les plus impactées dans le monde. Nous avons tout d’abord deux zones de brouillage permanentes en mer Baltique, entre la frontière allemande et le golfe de Finlande. Nous avons également une zone globale de brouillage GPS en mer Noire. Quelques brouillages GPS sont encore identifiés en Méditerranée orientale, et nous avons une zone de brouillage GPS permanente au milieu de la mer Rouge. Parfois, ce n’était pas le cas la semaine dernière, mais parfois du brouillage GPS a aussi lieu dans le golfe Persique. Il existe d’autres zones dans l’océan Indien et ses mers, mais cela se situe hors de la zone de responsabilité de l’OTAN et de MARCOM. Nous nous concentrons donc sur ce qui se passe dans la zone de responsabilité de MARCOM autour de l’Europe.

Kadir : Et c’est un excellent moment pour rappeler le rôle et la fonction du NATO Shipping Centre. Avant d’aborder les aspects techniques de l’interférence GNSS, je souhaite mettre en évidence un point directement utile à tous ici : le site web du NATO Shipping Centre, https://shipping.nato.int. Ce site est une plateforme centrale d’informations sur la sécurité maritime dans la zone de responsabilité de l’OTAN, incluant le signalement des incidents liés aux adversaires et des directives pour la navigation commerciale. Une fonctionnalité à laquelle je veux particulièrement attirer votre attention est le canal de signalement des interférences cyber. Cela permet aux marins et aux opérateurs de rapporter rapidement des suspicions de leurrage GNSS, de brouillage, et toute autre anomalie de navigation liée au cyber. Un signalement rapide, comme vous le savez, ne protège pas seulement votre propre voyage, mais contribue également à une image maritime partagée bénéfique pour toute la communauté maritime ainsi que pour les forces alliées. Plus nous partageons rapidement les données, plus vite nous pouvons détecter les schémas et émettre des avertissements. Je répète notre site web : https://shipping.nato.int, vous y trouverez les liens vers les canaux de signalement des interférences cyber.

Eric : Merci beaucoup. Il est très important pour moi, en tant que technicien cyber, d’avoir vos rapports, car nous construisons surtout notre carte de sensibilisation que nous partageons avec les compagnies de navires marchands à partir de sources ouvertes et militaires. Plus nous aurons d’informations fiables, plus notre capacité de veille sera précise. C’est donc un échange gagnant-gagnant. Je sais que la plupart d’entre vous en êtes conscients, mais très rapidement, en deux minutes, quelle est la différence entre le brouillage et le leurrage GPS ? Le brouillage GPS consiste à bloquer le signal GPS légitime venant des satellites avec du bruit sur la même fréquence. La conséquence est claire : le brouillage GPS empêche le récepteur GPS de calculer une géolocalisation, une position, une heure précise ou un cap. Le leurrage est légèrement différent et, pour être honnête, beaucoup plus difficile à réaliser. Il s’agit de la capacité d’émettre sur les mêmes fréquences que les satellites un signal imitant exactement le signal GPS légitime, mais en modifiant les données pour forcer le récepteur GPS à calculer une position fausse. Mais quelles sont les conséquences ? Tout d’abord, perturbation de la navigation. Il existe clairement un risque d’accident, de collision, et les navires peuvent perdre leur route car ils ne sont plus capables de calculer automatiquement, via les informations GPS, où ils se trouvent et où ils doivent aller. Le deuxième point, moins connu, est la perte de précision temporelle. À bord des navires numériques, beaucoup de systèmes dépendent d’une source de temps précise. Dans la plupart des cas, cette source de temps précise provient du récepteur GPS. Si nous brouillons le signal GPS, le récepteur ne pourra pas calculer un temps précis, ce qui affectera les capacités de nos systèmes de communication et d’information à utiliser une source de temps exacte. Il existe bien sûr un risque pour la sécurité, pour l’aviation, bien entendu, mais aussi dans le domaine maritime, car les navires peuvent être forcés de s’échouer ou de se perdre s’ils ne disposent pas d’informations GPS légitimes et précises. En tant que militaire, je me concentre bien sûr sur la sécurité nationale et alliée. Le brouillage GPS est aujourd’hui utilisé comme une cyber-guerre pour perturber les infrastructures critiques, les systèmes de défense et même les véhicules autonomes tels que les drones qui dépendent du GPS pour le temps et la localisation. Le brouillage GPS est quelque chose de très facile à faire à grande échelle avec une puissance limitée, ce qui affecte de vastes zones du domaine maritime, comme je vous l’ai montré sur la carte. Pour nous, en tant que militaires, et pour vous, en tant que compagnies maritimes, cela a clairement un impact sur la capacité de naviguer en toute sécurité et de trouver notre route, donc de réaliser notre mission. Le leurrage GPS a également des conséquences techniques. Il est plus insidieux. Au lieu d’une panne complète, l’équipage ne voit que de fausses informations GPS, qui peuvent être transmises aux systèmes de bord, par exemple l’ECDIS. Un navire peut penser être sur sa route planifiée, alors qu’il dérive réellement dans des eaux dangereuses. Les conséquences incluent le détournement de cap, pouvant entraîner un échouement ou une collision. Du point de vue militaire, des drones ou missiles peuvent être induits en erreur avec des résultats potentiellement catastrophiques. Il y a des conséquences sur la chaîne logistique, car le suivi de cargaisons leurres peut être perturbé et la capacité logistique globale entravée, et peut-être le plus dommageable : cela sape la confiance dans le GPS et oblige nos équipages à être beaucoup plus impliqués en haute mer et pas seulement près des côtes.

Kadir : C’est un bon moment pour donner un exemple du 10 mai de cette année, le MSC Antonia, qui s’est échoué au sud de Djeddah en Arabie Saoudite en mer Rouge. Bien que ce soit hors de notre zone de responsabilité de l’OTAN, nous suivons aussi tous les incidents maritimes mondiaux au NATO Shipping Center. Le 10 mai de cette année, le porte-conteneurs de 7000 tonnes MSC Antonia s’est échoué près du port de Djeddah. L’analyse indique que le navire a probablement été affecté par un leurrage GPS délibéré. De faux signaux satellitaires ont été injectés dans son système de navigation, provoquant une déviation de sa route prévue. Cet incident est un exemple concret de l’impact immédiat des interférences GNSS : un grand navire échoué dans une voie maritime encombrée, nécessitant des opérations de sauvetage et un risque environnemental potentiel. Cela souligne également une leçon opérationnelle clé : une dépendance excessive aux systèmes GNSS.

Cela souligne également une leçon opérationnelle clé : une dépendance excessive aux systèmes GNSS sans vérification croisée avec le RADAR, les relèvements visuels ou d’autres moyens de navigation rend les navires vulnérables. Dans les zones contestées ou à haut risque, les équipes de passerelle doivent être prêtes à détecter et répondre aux anomalies de navigation en temps réel.

Eric : Mais les États ne restent pas passifs face à ce problème. Certains NAVWARN ont été publiés ces derniers mois concernant le brouillage et le leurrage GPS.

Kadir : En mer Baltique, comme nous l’avons mentionné, les interférences GNSS sont largement observées et certaines nations de l’OTAN ont d’abord publié leurs avertissements de navigation séparément, puis ils ont été combinés en un avertissement unique illustré dans le diaporama, numéro 026/25 émis le 2 juillet. Il couvre le sud, le centre et le nord de la Baltique, le golfe de Finlande, Riga et la mer d’Åland. L’avertissement rapporte des interférences GNSS, AIS, RADAR et DGPS observées dans cette vaste zone, et tous les marins sont invités à faire preuve de prudence et à se préparer aux impacts sur la navigation. C’est un avis significatif, car il ne s’agit pas seulement du GNSS, mais de multiples systèmes de navigation et de suivi simultanément dégradés. Cela signifie que la redondance est réduite et que la conscience situationnelle peut être rapidement compromise. Pour les opérateurs en Baltique, c’est un rappel de briefer les membres d’équipage et toute votre équipe, de revoir les procédures de navigation manuelle et de s’assurer que tous les veilleurs sont alertes à toutes les possibilités de données de position dégradées ou trompeuses. Vous pouvez trouver cet avertissement de navigation sur le site suédois NavWarn [https://navvarn.sjofartsverket.se/en/Navigationsvarningar/VHF].

Eric : Alors, pourquoi attaquer le GPS ? Voyons la motivation. En tant que MARCOM, nous identifions principalement deux types de motivations. Tout d’abord, politique. Attaquer le signal et le système GPS est avant tout un signal de puissance et d’influence. Un pays ou un gouvernement capable d’impacter le GPS à grande échelle est clairement une nation disposant d’une capacité avancée en guerre électronique. C’est aussi, comme je l’ai mentionné, une manière de saper la confiance dans le système de positionnement mondial. Cela accompagne évidemment les campagnes d’influence et de propagande. Eric : En tant que militaire, je me concentre surtout sur la motivation militaire. Attaquer le GPS est une action de protection des forces. En niant l’utilisation du GPS sur une grande zone, on protège son infrastructure, port, base aérienne, navires, en refusant la capacité à identifier via AIS, à utiliser des munitions guidées par GPS ou des véhicules autonomes, surface ou aériens. C’est donc principalement défensif et protecteur. Eric : C’est également une action Anti-Accès et Déni de Zone (Anti-Access/Area Denial A2/AD). Elle empêche les adversaires d’accéder à une zone contestée qui devient dangereuse, et elle dégrade l’efficacité de l’ennemi en désorientant les forces, en aveuglant les capacités de surveillance, par exemple en refusant l’accès aux drones d’observation. Cela permet aussi d’entraîner et de tester les capacités en guerre électronique en temps de paix.  En résumé, la perturbation GPS devient une arme stratégique. Elle est peu coûteuse et peut être réalisée par un script kiddie avec un simple émetteur radio. Elle est efficace car aucun système ne protège totalement le GPS pour le moment, et il est très difficile d’attribuer l’origine. Est-ce un problème solaire ? Une action gouvernementale ? Quelqu’un qui joue avec la radio ? Il est difficile d’attribuer cela à un pays. Nous savons que certaines zones en Baltique, en Méditerranée orientale et en mer Noire sont probablement liées à la situation militaire actuelle, mais nous ne pouvons pas en être sûrs. Nous observons juste les faits. Pour finir ma présentation, parlons des capacités potentielles de réduction des risques. Tout d’abord, utiliser des systèmes de navigation alternatifs. Certains systèmes abandonnés par la digitalisation des navires au cours des 20 dernières années sont de retour à bord. Des systèmes de positionnement complémentaires, utilisant non pas des satellites mais des radios terrestres, comme l’eLORAN, sont revenus sur les fréquences. Il avait été abandonné il y a 20 ans, c’était le LORAN, et il est maintenant de retour aux USA et en Corée du Sud comme LORAN amélioré. Le problème de ce système est qu’il est limité en distance et ne couvre pas le globe. Il existe ensuite des technologies anti-brouillage et anti-leurrage existantes : antennes directionnelles. Lorsque le signal légitime vient des satellites, il vient d’en haut. Si je reçois un signal venant de gauche ou de droite, ce n’est pas un signal légitime. Les antennes directionnelles pointant directement vers la constellation satellite permettent d’identifier et de rejeter les faux signaux. De même, des filtres de signal peuvent identifier la forme d’onde spécifique du signal légitime et filtrer les faux signaux. Vous pouvez également utiliser la redondance et la vérification croisée. Nous sommes marins, nous avons tous un sens marin commun : utilisez d’autres moyens comme le RADAR, le système inertiel, comparez votre route avec ce que vous observez, utilisez les cartes et les plans. Même les cartes papier restent utiles et obligatoires. L’observation visuelle de l’environnement est également importante, notamment près des côtes. Vous pouvez aussi surveiller en temps réel les systèmes et identifier les anomalies comme une capacité d’alerte précoce. Vous pouvez utiliser d’autres constellations GNSS. Il n’y a pas que le GPS : Galileo, BeiDou, ou GLONASS sont disponibles. Utilisez-les pour vérifier si le GPS a été brouillé. Mais aucun système GNSS n’est totalement protégé contre le brouillage militaire. Formez vos équipages : reconnaître les perturbations GPS, utiliser la navigation manuelle. L’éducation est la clé. Quand un humain sur le pont principal identifie un problème de géolocalisation automatique et qu’il est bien formé, il peut prendre les commandes et éviter l’échouement. Pour les problèmes de temps précis, il existe aussi des sources de temps locales, des horloges précises, de retour à bord. Elles utilisent des sources nucléaires ou atomiques et ne sont pas un gaspillage d’argent ; elles servent à la mitigation des risques. Pour conclure, trois points : le brouillage et le leurrage GPS sont réels et menacent de plus en plus ; le risque va au-delà de la navigation et concerne la sécurité et le commerce ; la résilience nécessite technologie, procédures et coopération internationale. La sécurité en mer dépend de la confiance dans la navigation. Quand cette confiance est attaquée, la réponse doit être la résilience.

Jakob Larsen : Éric et Kadir, merci beaucoup pour cette présentation très intéressante, qui couvre tout le problème du brouillage et du leurrage GNSS. Je suis sûr que le public aura des questions détaillées. Nous avons déjà une question dans l’onglet Q&R. Première question : pourquoi le GPS différentiel ne peut-il pas contrer le leurrage ?

Eric : Le GPS différentiel utilise principalement deux sources : le signal GPS légitime venant des satellites et une source terrestre de position précise. La comparaison permet de calculer un différentiel. Mais si la position réelle évolue à cause du leurrage, le différentiel ne modifie que la position calculée par le leurrage et non la position légitime. Pour le récepteur terrestre, tout est normal et il émet une position normale. Pour le navire en mer, leurré, la position différentielle ne fait aucune différence.

Jakob Larsen : Donc le GPS différentiel ne donne qu’une précision légèrement meilleure, mais si la position est complètement leurre, il n’a aucun impact.

Eric : Exact, il ne modifie que la position leurrée.

Jakob Larsen : Nos navires sont fréquemment confrontés au leurrage GPS en naviguant dans le détroit d’Hormuz et les approches des ports du golfe Persique. Ils ont essayé de passer au système GLONASS, mais aucune position n’était affichée. Pouvez-vous conseiller d’autres mesures adaptées pour une navigation sûre dans ces zones ?

Kadir : Avant qu’Éric n’aborde l’aspect technologique, en tant que marin, je recommanderais de signaler cet incident au propriétaire du navire ou à l’opérateur commercial. C’est une étape nécessaire, en plus de l’aspect technologique. Ensuite, il existe des centres de coordination de sauvetage maritime dans la région. Il serait donc pertinent de se référer à leurs recommandations, car ils sont responsables de fournir le support en cas d’échouement.

Jakob Larsen : Merci beaucoup Kadir. Éric, avez-vous quelque chose à ajouter ?

Eric : Non. En fait, GLONASS est, pour être honnête, le plus fiable contre le brouillage et le leurrage, car il utilise 12 fréquences et non une seule, ce qui le rend beaucoup plus difficile à brouiller ou à leurrer. Mais face à une capacité militaire de guerre électronique à grande échelle, aucun système GNSS ne peut être protégé contre le brouillage. Mon conseil est donc d’utiliser des informations terrestres, de revenir aux cartes, aux systèmes inertiels locaux et de compter sur la capacité des officiers à naviguer à l’ancienne, en observant les étoiles, le sol et les lumières côtières. Aucun GNSS ne peut être protégé contre un brouillage militaire.

Jakob Larsen : Dommage, mais c’est la réalité et les armateurs doivent s’adapter. Il faut revenir aux vertus de la navigation terrestre, au RADAR, à l’indexation parallèle et autres. Cela fonctionnait dans le passé et cela fonctionne toujours.

Eric : Dernier point sur cette question : il existe de nouveaux systèmes de positionnement stellaire sur le marché, qui fonctionnent de jour comme de nuit et par temps nuageux, avec des systèmes optiques avancés et basés sur l’IA. Ils permettent la géolocalisation à partir des étoiles, une méthode ancienne mais avec un système numérique et piloté par l’IA. Je ne fais pas de publicité pour une marque, mais on peut les trouver sur Internet.

Jakob Larsen : Très intéressant, c’est nouveau pour moi. Merci pour l’info, Éric. Autre question : quelle formation est recommandée pour les officiers de l’industrie maritime ?

Kadir : C’est difficile pour nous car nous venons du militaire et recevons notre formation de nos nations respectives. Pour l’industrie, il faut se référer aux circulaires de l’OMI et aux manuels de bonnes pratiques disponibles dans certaines organisations et États du pavillon. Consulter l’État du pavillon peut montrer une meilleure perspective de formation pour l’équipage. Vérifier les ECDIS secondaires à bord, leur fonctionnement si le primaire est hors service, la mise à jour des cartes, permet au capitaine de former l’équipage. Comme dit l’OTAN : « entraînez-vous comme vous combattez et combattez comme vous avez appris ».

Jakob Larsen : Merci Kadir. Les cours ECDIS des institutions maritimes forment aussi aux pannes et aux difficultés techniques, ainsi qu’au brouillage GPS. Et bien sûr, toujours naviguer avec deux moyens indépendants de navigation pour vérifier la position. Question suivante : les récepteurs multifréquences peuvent-ils basculer automatiquement, ou nécessitent-ils un changement manuel lors du brouillage ?

Eric : La plupart sont basés sur GPS et utilisent d’autres constellations GNSS en alternance. La plupart nécessitent un basculement manuel. L’IA et la comparaison de géolocalisation pourraient permettre des récepteurs automatiques, mais je n’en ai pas vu pour l’instant. Le basculement est encore manuel, par le capitaine avec observation visuelle ou ECDIS. Pour répondre à Amid Kumar : les systèmes Galileo, BeiDou et GLONASS sont-ils plus susceptibles au leurrage ? Galileo, BeiDou et GPS utilisent le même système et les mêmes fréquences, donc si l’un est brouillé, les trois le sont. GLONASS est différent et plus robuste au brouillage. Pour le leurrage, GPS et BeiDou ne sont pas chiffrés. Galileo, lorsqu’il sera disponible, aura un système protégé par chiffrement, permettant au récepteur d’identifier par signature numérique le signal correct et de rejeter les signaux non authentifiés. Cela sera très utile contre le leurrage. L’avenir réside clairement dans les services civils chiffrés, et Galileo en fera partie.

Jakob Larsen : Kadir, Éric, merci beaucoup pour votre temps et cette présentation très utile. Merci également d’avoir répondu aux questions restantes. Nous partagerons l’enregistrement de ce webinaire, les questions-réponses et les liens pertinents vers le site du NATO Shipping Center pour signaler les incidents de brouillage et de leurrage.